Le terme électro-résistance décrit une commutation entre des états de résistance électrique non-volatils, déclenchée par l’application de pulses de tension dans une jonction tunnel. Ce type d’effet mémoire était jusqu’ici circonscrit aux jonctions tunnel à barrière ferroélectrique, dans lesquelles le renversement hystérétique de la polarisation produit une commutation rapide et réversible, caractérisée par une forte variation de la résistance tunnel. En utilisant des jonctions à base d’oxydes supraconducteurs, les auteurs de ce travail ont démontré que l’on peut reproduire ce comportement dans des jonctions beaucoup plus simples : un contact direct entre un métal et un oxyde. L’electroresistance est produite ici par un mécanisme purement électrochimique, notamment une réaction redox à l’interface entre les deux matériaux. Les expériences menées démontrent aussi que, quand on refroidit le dispositif et l’oxyde rentre dans sa phase supraconductrice, les effets de commutation deviennent jusqu’à 3000% plus forts que dans la phase normale. Au-delà de leur intérêt fondamental, ces résultats élargissent le champ d’application de l’electroresistance tunnel (e.g. mémoires et memristors pour le calcul neuromorphique), notamment en ouvrant la voie à des mémoires Josephson un graal dans le domaine de l’électronique supraconductrice.

Les expériences ont été menées dans des jonctions constitués d’un cuprate supraconducteur (électrode inférieure) et un supraconducteur métallique conventionnel (électrode supérieure). Les chercheurs ont comparé des jonctions dans lesquelles les électrodes étaient en contact direct avec des jonctions ayant une fine couche ferroélectrique placée entre les électrodes. Le même comportement á été observé dans les deux cas, notamment la commutation de la conductance tunnel entre deux valeurs extrêmes (ON /OFF) par l’application de pulses de tension Vpol. Les spectres de conductance tunnel ont permis de mettre en évidence une variation de la taille du gap supraconducteur lors de commutation d’un état vers l’autre, indiquant une variation du contenu en oxygène dans le cuprate.

En haut, à gauche schéma des jonctions et, à droite, microscopie électronique de transmission de l’interface entre les matériaux conformant la jonction. En bas, à gauche : commutation de la conductance tunnel par application de pulses de tension d’amplitude Vpol. La commutation s’étale entre deux niveaux de conductance séparés de plusieurs ordres de grandeur. Elle est bipolaire et réversible. À droite, densité d’états électroniques de l’électrode (vert=haute densité) sur un diagramme température-énergie.

Ces travaux sont le résultat d’une collaboration entre l’Unité Mixte de Physique CNRS/Thales (Palaiseau), le LPEM (ESPCI, Paris), le LOMA (Université de Bordeaux) et l’Université Complutense de Madrid (Espagne), et ont été financés par L’ERC « SUSPINTRONICS » et l’ANR « SUPERTRONICS ».

Contact : Javier E. Villegas

Référence :
V. Rouco, R. El Hage, A. Sander, J. Grandal, K. Seurre, X. Palermo, J. Briatico, S. Collin, J. Trastoy, K. Bouzehouane, A. I. Buzdin, G. Singh, N. Bergeal, C. Feuillet-Palma, J. Lesueur, C. Leon, M. Varela, J. Santamaría & Javier E. Villegas, Nature Communications 11, 658 (2020)