Des scientifiques ont réussi à moduler des informations magnétiques à l’aide d’impulsions électriques tout en les convertissant en un signal lumineux polarisé. Cette découverte, décrite dans la revue Nature, pourrait révolutionner les télécommunications optiques à longue distance.

En spintronique, reconnue pour son succès avec les disques durs magnétiques et les mémoires magnétiques, l’information est représentée par le spin de l’électron et par son mandataire, la direction de l’aimantation. Les matériaux ferromagnétiques tels que le fer ou le cobalt ont une aimantation finie, parce qu’un nombre inégal de spins de leurs électrons sont orientés soit le long, soit contre l’axe de l’aimantation, ce qui représente les informations binaires 0 et 1. Alors que les électrons dont le spin est orienté le long de l’aimantation se déplacent aisément à travers un ferromagnétique, ceux dont l’orientation du spin est opposée sont désorientés, tout comme un joueur dans un match de football qui traite avec le membre de sa propre équipe ou de l’équipe adverse. Le changement de résistance qui en résulte en fonction de l’orientation du spin – la magnétorésistance – est le principe clé des dispositifs de spintronique. Comme nous le savons, l’aimant du réfrigérateur n’a pas besoin d’énergie pour rester collé à la porte du réfrigérateur. Son état magnétique, qui peut être considéré comme une information stockée, est maintenu indéfiniment.

Cependant, en retirant les électrons du ferromagnétique, un peu comme on sort un poisson de l’eau, l’information sur le spin est rapidement perdue et ne peut pas voyager loin. Cette limitation majeure peut être surmontée en utilisant la lumière, grâce à sa polarisation circulaire ou à son orientation, également connue sous le nom d’hélicité, comme un autre vecteur de spin. Tout comme il a été reconnu pendant des siècles que les informations écrites seraient transportées plus rapidement et plus loin par des pigeons, l’astuce consisterait à transférer le spin de l’électron au spin du photon, le quantum de la lumière. La présence du couplage spin-orbite, qui est également responsable de la perte d’information de spin à l’extérieur du ferromagnétique, rend possible ce transfert de spin de l’électron au photon. Le chaînon manquant crucial est alors de moduler électriquement l’aimantation et de changer ainsi l’hélicité de la lumière émise.

Le groupe de scientifiques du Laboratoire Albert Fert (France) en collaboration avec l’Institut Jean Lamour (CNRS/Université de Lorraine, France), l’Université de Toulouse (France), l’Université Paris-Saclay (France), la Ruhr-Universität Bochum (Allemagne), l’Institut des semi-conducteurs et l’Institut de physique (Académie chinoise des sciences), National Institute of Advanced Industrial Science and Technology (Japon), University of Minnesota (États-Unis), National Renewable Energy Laboratory (États-Unis) et University at Buffalo (États-Unis) ont choisi la polarisation circulaire de la lumière pour transporter l’information sur le spin de l’électron. Ils ont réussi à commuter l’aimantation d’un injecteur de spin par une impulsion électrique en utilisant le couple spin-orbite. Le spin de l’électron est rapidement converti en information contenue dans l’hélicité des photons émis, ce qui permet une intégration transparente de la dynamique de l’aimantation dans les technologies photoniques.

Cette conversion spin-photon contrôlée électriquement est aujourd’hui réalisée dans l’électroluminescence des diodes électroluminescentes. À l’avenir, grâce à la mise en œuvre dans des diodes laser semi-conductrices, appelées « spin-lasers », ce codage très efficace de l’information pourrait ouvrir la voie à une communication rapide sur des distances interplanétaires puisque la polarisation de la lumière peut être conservée dans la propagation spatiale, ce qui pourrait en faire le mode de communication le plus rapide entre la Terre et Mars. Il sera également très utile au développement de diverses technologies de pointe sur Terre, telles que la communication et l’informatique quantiques optiques, l’informatique neuromorphique pour l’intelligence artificielle, les transmetteurs optiques ultrarapides et à haut rendement pour les centres de données ou les applications Light-Fidelity (LiFi). Pour en savoir plus, consultez la revue Nature.

Reference:

Pambiang Abel Dainone et al., Controlling the helicity of light by electrical magnetization switching Nature 2024 (https://www.nature.com/articles/s41586-024-07125-5), Publié en ligne le 28 Mars 2024 (lire l’article)

Contacts :

 Jean-Marie George, Chercheur CNRS au Laboratoire Albert Fert

Email: jeanmarie.george@cnrs-thales.fr

Yuan Lu, Chercheur CNRS  à l’ Institut Jean Lamour (CNRS/Université de Lorraine)

Email: yuan.lu@univ-lorraine.fr

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